Invité jeudi 3 Avril par Mediapost, j'ai découvert, avec une centaine d'autres personnes (dans un cinéma bondé, sur un écran très petit) le résultat d'un projet qui a consisté à faire travailler ensemble 3 structures : Cabestan, Adverline, Mediaprism.
En effet, depuis plusieurs années, Mediapost a racheté de nombreuses structures digitales (cf. mon article de 2012 ) et la difficulté consiste souvent à faire émerger des projets communs entre des BU qui ont des objectifs financiers et un compte de résultat à tenir.
De ce côté, je salue le travail accompli et sa concrétisation.
Un marché naissant
Le marché des DMP (Data Management Platform) désigne en fait une base de données centrale principalement de cookies (clients et prospects) alimentés par tous les canaux de contact numériques de la marque. La base de données peut bien sûr être enrichie d'autres données de qualifications (achats, comportement email, scoring éventuel...). Les cookies peuvent venir de la marque (first party) mais aussi des opérations externes menées (Third Party) avec des bannières notamment.
Le travail du DMP sera surtout d'identifier uniquement l'internaute, quelle que soit sa provenance. Le DMP n'exécute pas de campagnes, c'est l'outil de gestion de campagnes qui récupère les données du DMP pour déclencher les campagnes.
Les offres clairement affichées en France sont encore rares : Makazi, Oracle avec le rachat de BlueKai, Camp de Bases (First Party uniquement) et maintenant Mediapost.
Un DMP véritablement Multicanal
Le DMP commercialisé combine un outil de gestion de campagnes email, SMS et papier (Cabestan) avec une régie de bannières travaillant aussi avec des Ad Exchanges (Adverline) et enfin, Mediaprism, une des bases de données mutualisées postales, email et SMS du marché (annonçant 40 Millions d'adresses postales (!), un chiffre qui me semble exagéré en France).
Le projet de la base DMP a été monté par LE prestataire spécialisé dans ce domaine, la SSII indépendante (PrestaConcept) .
L'originalité du DMP de Mediapost est la possibilité de gérer des scénarios multi-canaux incluant le offline, en fonction de comportements spécifiques online/off, d'une appétence spécifique sur un canal donné (SMS, email, courrier papier, bannière, contact téléphonique…), etc…
Pour les bases clients, le DMP permettra de rassembler toutes les données comportementales online et de les travailler pour gérer des scénarios très fins (appétence thématique en ligne, déclenchement des scénarios d'email to bannières, ou email to SMS) ...
Pour les visites prospects sur un site, si le cookie est connu de Mediaprism-Adverline-Cabestan, il sera possible de l'enrichir de données gérées par la mégabase, d'exploiter un des canaux favoris de marketing direct sur lequel il a déjà réagi, de bénéficier des travaux statistiques régulièrement mis en jour (score d'intention d'achat, socio types…), etc…
La présentation évoquait pédagogiquement le travail de segmentation sur un trafic de 500 000 vues quotidiennes (très gros site !), qui au final permet d'identifier 2 segments dont l'un est constitué de 55 000 prospects connus du DMP et de Mediaprism mais pas de la marque, et l'autre de 65 000 clients.
Exemple de scénario sur les prospects
En fonction de son comportement et des données Mediaprism, une segmentation de prospects chauds à prospects froids peut être effectuée sur ce segment. Des scénarios de contact peuvent ensuite être poussés au travers de tous les canaux de marketing direct dont dispose Mediaprism. Le prospect chaud sera contacté par téléphone, pour le tiède, on pourra envoyer un mailing, et un email avec des bannières pour le froid.
Des scénarios qui mélangent on et off, mais aussi marketing direct et bannières et dont l'orchestration sera confiée à Adverline (pour les bannières) et à Cabestan (pour les canaux de marketing direct).
Reporting et attribution de la transformation : 2 fonctions clefs
Un tableau de bord de suivi de l'ensemble de l'opération est nécessairement à mettre à disposition de l'annonceur (pas évoqué dans la présentation). Il se pose aussi la question essentielle du suivi de la performance de l'opération. Plus les canaux sont nombreux et combinent on et off, plus il est complexe, voire impossible de mesurer la performance des opérations à l'individu, surtout dans un contexte de prospection et de gestion de foyer. Enfin, la question de l'attribution de la transformation, actuellement au dernier clic, est importante pour mesurer le poids de chaque canal.
Exemple de scénario sur les clients
Sur les 55 000 clients cookisés DMP, le segment inactif (pas d'achat depuis xx mois) pourra être ciblé sur le réseau de bannières d'Adverline ou d'autres Ad exchanges en exploitant ces précédentes thématiques d'achat ou son comportement sur d'autres sites.
Ce dernier point, non évoqué dans la présentation, fait partie des zones d'ombre que peuvent provoquer les DMP avec les réseaux de bannières.
La connaissance cookie (et donc individuelle/navigateur) générée par les DMP peut-elle être partagée vers d'autres marques ? Quelle précision peut être commercialisée ? Par exemple, il est facile pour Adverline de détecter des visites soudainement fréquentes sur des marques automobiles et de gérer un score d'appétence « achat automobile ».
Ce score peut-il être commercialisé à plusieurs annonceurs ? La réponse devrait être non pour des DMP installés chez les annonceurs. La question devra être posée, pour les DMP en mode SaaS, quand vous déposez des marqueurs sur votre site pour alimenter votre DMP/Adverline.
Un contexte de gestion de la vie privée mis en avant - Un VRM annoncé (ou centre de préférences)
Durant la présentation, Mediapost, appuyé de la présence d'un avocat, a souligné avoir bien étudié toutes les contraintes légales actuelles autour du DMP.
Mediapost annonce la mise en place d'un VRM (Vendor Relationship Management) pour les membres de sa base mutualisée et qui permettra de gérer la pression commerciale (annoncé en standard avec pas plus de 3 emails par semaines et d'autres données personnelles et appétences.
S'il s'agit d'un véritable VRM, c'est une révolution car le VRM consiste à inverser la relation avec les marques et à donner aux prospects le pouvoir de choisir les marques à contacter. En dehors de ces choix, point de sollicitation possible. Ne s'agirait-il pas un centre de préférences ?
Un mode de déploiement assez rapide sur 2014
Mediapost annonce le planning suivant de déploiement de son offre :
- Avril : Le retargeting multicanal avec le courrier, SMS, email, display,
- Mai : DMP client avec la plateforme Cabestan,
- Septembre : Remarketing Multicanal avec la gestion des moments de vie, des intentionnistes et des sites fréquentés. Sur ce dernier point, je pense qu'il s'agit d'exploiter les données d'enrichissement de Mediaprism.
J'ai du mal à distinguer le retargeting et le remarketing, une subtilité de vocabulaire qui m'échappe…
Budget ?
Aucune information sur les budgets nécessaires au montage de l'ensemble, mais Cabestan a présenté un mode projet qui semble bien cadrer les scénarios pertinents à mettre en place en fonction des spécificités du client.
Il est fort probable que, pour les DMP clients, le coût soit proportionnel au nombre d'adresses hébergées.
Étant donné le côté relativement novateur de la solution et des scénarios, les modes de fonctionnement de type « Test and learn » devront être accessibles et les outils suffisamment souples pour les accepter.
Enfin, aucune analyse statistique et mining n'est annoncée (sauf pour Mediaprism qui possède une telle équipe), ce qui me parait sous-estimer leur importance dans ces projets.
Pour les budget, le mieux est de rencontrer les acteurs sur le stand du salon Emarketing.
En conclusion
Mediapost s'est mis en marche assez rapidement pour annoncer une offre de DMP originale, avec des solutions éprouvées et quasi- uniques sur la partie connexion on et off. L'exploitation de Mediaprism est, sur le papier, astucieuse, notamment dans la phase "Remarketing".
Experian, qui me semblait le mieux placé, n'a rien annoncé sur ce sujet...
Les premiers projets test seront lancés dans les prochains mois, ce qui permettra de rôder le dispositif et d'avoir les premiers retours.
Ceci dit, les DMP sont bien promis à un bel avenir.
On a un peu de mal à imaginer comment ces solutions basées sur des cookies vont résister aux prochaines vagues législatives en matière de respect de la vie privée et de tracking en opt-in, ainsi qu'à la médiatisation de plus en plus croissante de ces méthodes aux terminologies obscures pour le grand public mais aux finalités de mieux en mieux perçues (faire de l'argent avec nos données personnelles à travers des traitements croisés).
L'internaute pourra-t-il rester encore longtemps à la fois la source de ces profits et pourtant le grand absent de la chaîne monétaire créée par ces différents acteurs ?
Rédigé par : Guillaume | 14 avril 2014 à 12:47
Bonjour Guillaume. Remarque intéressante mais Mediapost anticipe le respect de la vie privée en respectant à la lettre les dernières orientations de la CNIL (informations sur le dépôt du cookie, droit d'opposition ... ) et en proposant un système de VRM. Je doute que le contexte légale sur le traitement des données personnelles empêche ce type de traitement qui est déjà bien cadré par de nombreuses lois. B Florence
Rédigé par : pignonsurmail | 14 avril 2014 à 17:57