Depuis plus de 3 ans, tous les logiciels ou ASP (Saas) de gestion de campagnes d'emailing se sont dotés d'une fonction de responsable de la délivrabilité. Cette fonction, intégrée à la direction technique ou à la direction de l'exploitation, est sensible dans le fonctionnement du prestataire, car elle se situe au conflit de 2 intérêts :
- Préserver la pérennité de l'environnement de routage en routant des bases et campagnes de bonne qualité,
- Router le maximum de clients quelque soit leur provenance de façon à générer le maximum de CA.
En fonction de l'ancienneté du poste, du type de management et du poids de la fonction commerciale, le responsable délivrabilité aura plus ou moins de liberté pour peser sur les choix commerciaux et contractuels qui permettent d'exclure des anciens clients ou refuser de nouveaux.
Chez certains prestataires le mot d'ordre est : "Il faut router ce que les commerciaux vendent", alors que chez d'autres, il est orienté sur : "Nous n'acceptons que les annonceurs ayant un minimum de bonnes pratiques ou souhaitant évoluer, c'est au commercial de le faire comprendre".
Cette opposition me fait penser au classique rapport de force du monde industriel entre les commerciaux et le service production, l'un affirmant "mais produisez-moi ce que j'ai vendu" et le service production se positionnant sur "mais vendez-moi ce que je produis !".
Une collaboration entre le commercial et la délivrabilité nécessaireDans tous les cas, il est souvent difficile de cerner les bonnes ou mauvaises pratiques d'un annonceur avant d'obtenir sa base de données, voire de router ses premières campagnes. La fonction d'un commercial étant de prospecter et de vendre des prestations autour du routage, dans un marché très concurrentiel. Il est difficile de lui demander d'évaluer la qualité du client. De plus, la rémunération d'un commercial est fonction de ses ventes et l'enjeu financier est important.
Il me semble que c'est au niveau de la préparation puis de la validation du contrat que peut se greffer la décision de prendre ou non un client. Plus la décision est tardive, et le client et commercial engagés, plus le refus de routage sera délicat à gérer. Il faut donc bâtir des ponts entre les deux entités, délivrabilité et commerciale, pour fluidifier et favoriser ces échanges.
Le responsable délivrabilité doit participer aux réunions commerciales et les commerciaux savoir se composer un discours commercial de délivrabilité adéquat.
Un bon responsable délivrabilité saura facilement détecter à partir du site, de l'activité économique et des types de campagnes de l'annonceur, les risques de routage. Il travaillera en collaboration étroite avec le service commercial lui indiquant les questions à poser et les points spécifiques à investiguer en avant-vente.
Il pourra être amené à participer aux contacts prospects pour décrire clairement les contraintes de routage et les conseils apportés dans ce domaine.
Un cloisonnement qui implique des modes de fonctionnement tendus
À l'inverse, le cloisonnement entre les deux entités, l'intervention du service délivrabilité uniquement une fois la production lancée, ne favorise pas la qualité de routage. Dans ce mode de fonctionnement, les impacts sont les suivants :
- en cas d'adresses IP mutualisées, les mauvaises et bonnes bases sont mélangées au détriment de ces dernières, ce qui peut défavoriser des "bons" annonceurs,
- le temps passé à gérer les crises de délivrabilité est très important et pénalise le travail à long terme de l'équipe sur les projets d'améliorations techniques,
- les responsables délivrabilité, soumis à une pression forte et un stress important, situés entre l'enclume des conditions des filtrages des FAI/Webmails et le marteau des commerciaux, risquent de quitter leur poste. En effet, les compétences dans ce domaine sont rares en France et les bons profils s'arrachent et se rémunèrent très bien (proche de 50 à 60 K€ brut par an, parfois plus).
Dans ce contexte, le discours du management commercial et la position de la direction générale sont essentiels. Quel équilibre doit-on donner entre la contrainte croissante de délivrabilité, qui peut pénaliser mes campagnes, et ma contrainte aussi croissante de réaliser du CA ?
Je distingue actuellement 2 types d'orientations sur le marché qui se reflètent dans le discours commercial :
- "La délivrabilité n'est pas votre problème, nous nous occupons de tout". Dans ce contexte, le routeur prendra quasiment tous les types de client.
- "La délivrabilité est un processus collaboratif entre nos deux entités, sans votre collaboration nous ne pourrons garantir votre livraison". C'est ce discours qui est le plus présent sur le marché et qui s'impose petit à petit. En effet, ces évolutions sont lentes au sein des entreprises, car elles impactent profondément la façon de vendre le routage et la gestion de campagnes.
Un enjeu à pondérer : "5 % de mes clients génèrent 95% de mes problèmes de délivrabilité mais aussi 15% de mon CA."
Malgré tout, bon nombre de routeurs conservent historiquement des clients aux pratiques marketing de mauvaise qualité (échange de base, fréquence de routage déraisonnable, pas de segmentation ni personnalisation, recueil des emails dans des contextes de mauvaise qualité).
Récemment, un responsable commercial d'un routeur, qui a franchi le pas de se séparer de certains de ses mauvais annonceurs, m'a annoncé 3 chiffres significatifs : "5 % de mes clients représentent 15% de mon CA, mais 95% des problèmes de délivrabilité et du temps passé par l'équipe délivrabilité. J'ai décidé de m'en séparer et je m'en porte mieux !! ".
Pour les annonceurs, comment cerner la politique de votre routeur sur la délivrabilité?
Bien discuter sur la délivrabilité avec le commercial ? Est-on dans le discours 1 ou 2 ?
Ensuite, sur le contrat, bien identifier les modalités d'avertissement puis d'exclusion pour des mauvaises pratiques marketing se traduisant par du passage en Spam.
Cerner si le passage dans certaines blacklists (spamcop…) vous impose une amende ou un avertissement.
Pour le support, essayez de comprendre le niveau de compréhension de votre interlocuteur lors de problèmes de délivrabilité. Avant de signer, obtenez un contact avec lui et essayez de discuter de ces problématiques.
Enfin, au-delà des contraintes, l'accompagnement et les conseils de votre routeur sont essentiels. Quel est le rythme de rencontre avec votre gestionnaire de compte (est-il contractualisé ?), quels documents, conseils sont accessibles et quels outils sont proposés pour la mesure de la délivrabilité ?
Dans le cadre de la nouvelle étude comparative des outils de gestion de campagne d'emailing qui doit sortir d'ici novembre 2010, l'ensemble de ces points seront bien sur évalués.
Merci pour ces informations
Rédigé par : Yellow Book | 22 juillet 2010 à 19:33
Bonjour,
si on se place du côté client, j'avoue me réjouir de l'existence de cette fonction, tant les éditeurs de solutions 'e-mailing'- en l'occurrence leurs commerciaux - que j'ai pu rencontrer récemment ont été évasifs quand est venue la question de la délivrabilité.
sur ce point, je trouve que les éditeurs ont certes un rôle pour évangéliser leurs clients aux bonnes pratiques du routage. En revanche, il leur appartient d'assurer la transparence auprès de leurs clients sur le niveau de délivrabilité et sur la réalité de leur politique commerciale(degré d'exigence vis-à-vis des autres clients).
Sur ce point, je n'ai pour l'instant pas encore rencontré une réponse satisfaisante sur le marché.
J'ai dans le passé eu à souffrir d'un taux d'envoi très faible parce que mon routeur avait servait un client aux pratiques douteuses. Le problème a pu être résolu car nous étions par ailleurs acheteurs d'espace auprès des webmails et que nous sommes entrés directement en contact avec eux pour être whitelistés, notre routeur ayant perdu de sa crédibilité.
merci en tout cas pour cet intéressant éclairage sur une fonction écartelée entre des intérêts pouvant être divergents (une problématique que l'on retrouve finalement fréquemment dans le monde de l'entreprise).
Rédigé par : THEV | 26 juillet 2010 à 14:29